Mouvement pour une Alternative Non-violente

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La non-violence est « la meilleure réponse au terrorisme »

Lorène LAVOCAT

Publié par , le 22 novembre 2015.





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Des bombardements en Syrie, des manifestations interdites et des militaires qui patrouillent dans les rues. Vous l’aurez compris, « la France est en guerre ». Médias et politiques ont salué le discours martial du président de la République, lundi 16 novembre, à Versailles. Députés et sénateurs ont largement approuvé la prolongation et le renforcement de l’état d’urgence. À l’intensification des frappes aériennes en Syrie s’ajoute la possibilité d’une intervention au sol. Pour répondre aux actes terroristes qui ont fait 129 morts, le gouvernement joue la carte guerrière.

Une décision plébiscitée par les Français, du moins si l’on en croit les sondages. D’après l’Ifop, « 84% des personnes interrogées sont prêtes à accepter davantage de contrôles et une certaine limitation de leurs libertés pour mieux garantir la sécurité, et 85 % approuvent l’intervention militaire en Syrie ». [1]

« Il y a des moments bien sûr où il faut contraindre »

Pourtant, dans les rues de la capitale meurtrie, les citoyens ont préféré les bougies et les fleurs aux armes, les messages d’amour et d’humour à ceux de haine. « Il y a beaucoup de sagesse au sein de la population, les gens se tournent spontanément vers des actions non-violentes  », observe Jean-Marie Muller, philosophe et penseur de la non-violence. Symbole de ce refus populaire de la vengeance, Antoine Leiris, un jeune papa qui a perdu sa femme dans les attentats. Son message adressé aux djihadistes a fait le buzz sur la toile : « Je ne vous ferai pas ce cadeau de vous haïr. Répondre à la haine par la colère, ce serait céder à la même ignorance qui a fait de vous ce que vous êtes. Je suis avec mon fils, qui va manger son goûter comme tous les jours, puis nous allons jouer comme tous les jours et toute sa vie, ce petit garçon vous fera l’affront d’être heureux et libre. »

L’humour, une des réponses aux attentats.

Alors, la non-violence peut-elle être une réponse au terrorisme ? Oui, répondent sans hésiter ses défenseurs : « Seule la non-violence peut répondre à la violence. Vaincre le terrorisme, c’est refuser d’entrer dans sa logique de violence  », explique Jean-Marie Muller.

Certes, face à une personne armée d’une kalachnikov et déterminée à tuer, la non-violence est un bouclier dérisoire. En 2009, le dalaï-lama affirmait : « Il est difficile de lutter contre le terrorisme par la non-violence. Les terroristes cultivent des mauvais sentiments, leur esprit est fermé. » En août dernier, un attentat a d’ailleurs été évité de justesse dans un train Thalys grâce à l’intervention musclée de trois jeunes états-uniens, militaires ou rompus aux arts martiaux. Ils se sont jetés sur un homme lourdement armé, lui ont porté plusieurs coups de cutter, avant de l’étrangler pour le rendre inconscient. Pas vraiment pacifiste comme action, mais elle a permis d’empêcher un drame.

« Il y a des moments bien sûr où il faut contraindre, reconnaît Serge Perrin, membre du Mouvement pour une alternative non-violente (le MAN). Mais il faut absolument rester dans un cadre légal. Et la loi ne se construit pas dans l’urgence, mais dans le débat démocratique. » L’avis est partagé par Jean-Marie Muller, qui met en avant l’initiation à des pratiques de défense comme l’aïkido, qui retourne la violence contre celui qui en use. « Enseigner aux jeunes à se défendre sans violence, c’est aussi important que leur apprendre les maths ! », conclut-il.

La guerre ne résout rien

Former les jeunes à être « des artisans de la paix », c’est justement la raison d’être d’Intercordia, une association qui accompagne des 20-30 ans dans une mission de solidarité internationale. « Quand survient l’attentat, il est trop tard, admet Baptiste Anguis, chargé de projet au sein de l’ONG. C’est en amont qu’il faut agir, en construisant une culture de paix.  » Prendre du recul et de la hauteur, c’est une des invitations de la non-violence : « La culture qui domine nos sociétés est structurée par l’idéologie de la violence nécessaire, légitime et honorable. Désarmer le terrorisme, c’est d’abord désarmer cette idéologie », estime Jean-Marie Muller.

Refuser la violence ne signifie pas nier le conflit, ou ne rien faire, mais proposer d’autres voies pour y répondre. « Pour vaincre le terrorisme, ce n’est pas la guerre qu’il faut faire mais la justice qu’il faut construire », insiste le philosophe. D’ailleurs, la guerre ne résout rien. C’est le constat fondamental de tous les mouvements pacifistes, de Gandhi à Martin Luther King. Dans un dossier consacré à la question du terrorisme, la revue Alternatives non-violentes rappelle ainsi que «  l’histoire récente n’enregistre aucun cas dans lequel une lutte armée aurait su transformer un régime », et pointe au contraire – chiffres à l’appui – l’efficacité de la lutte non-violente, « qui est deux fois plus susceptible de mener ses auteurs à leur but que l’action armée  ».

De l’Irak à l’Afghanistan, de la Libye au Nord-Mali, les faits semblent leur donner raison : comme l’ont rappelé nombre d’analystes, l’État islamique est né de la chute de Saddam Hussein, en conséquence à l’invasion états-unienne.

Contre la logique de guerre, les non-violents prônent l’intervention civile de paix. Jean-Marie Muller la définit comme « une intervention non-armée, sur le terrain d’un conflit, de missions extérieures venant accomplir des actions d’observation, d’information, d’interposition, de médiation et de coopération en vue de prévenir ou de faire cesser la violence, de créer les conditions d’une solution politique du conflit qui reconnaisse et garantisse les droits fondamentaux  ». Missions d’observation, témoignages et plaidoyer sur la situation, création de zones démilitarisées, éducation populaire à la paix... Au Mexique, des observateurs internationaux se rendent ainsi tous les jours dans des zones de conflit afin d’éviter des massacres de populations civiles.

Prendre conscience de « la part de violence qui est en nous-mêmes  »

«  La paix se gagne au quotidien », insiste Baptiste Anguis. La logique de guerre, très court-termiste, suppose de désigner des coupables à punir. En fait, il vaudrait mieux « faire le constat de l’échec collectif  ». « S’interroger sur notre responsabilité, c’est comprendre que notre mode de vie occidental, industrialisé, est un des moteurs de la violence. » Travailler sur les causes de la violence, certes, mais aussi construire au jour le jour « des relations positives, humaines  », explique Serge Perrin. « Notre réponse aux actes terroristes passe par une résistance civile collective, par la cohésion sociale, par le vivre ensemble ». Fête des voisins, jardins familiaux, ateliers participatifs. « C’est pour cette raison que les manifestations prévues pendant la COP sont essentielles », pointe le militant.

Surtout, la non-violence n’est possible que si chacun d’entre nous prend conscience de «  la part de violence qui est en nous-mêmes, explique Baptiste Anguis. Il faut commencer par faire la paix avec soi ». Une idée formulée en d’autres termes par Arun Gandhi, le petit fils du Mahatma : « L’attitude d’une nation ne sera toujours que le reflet de l’attitude des individus qui la composent.  »

«  La violence commence par nous-mêmes, par de petits gestes, de petits propos  », soutient Baptiste Anguis. Il est possible d’y prêter attention. « Chacun peut s’y mettre, par des techniques de communication non-violente par exemple », précise-t-il. Écouter avec bienveillance et sans jugement, se mettre à la place de l’autre, ne pas catégoriser, ne pas confondre être et avoir, passer du « tu » au « je »... : autant d’actes qui permettent de « restaurer l’humanité en chacun d’entre nous  ».

Exercez-vous ! Au lieu de dire : « Ces abominables terroristes », dites : « Des personnes qui ont commis des actes de terrorisme » ; au lieu de dire : « Tu m’énerves, espèce de journaliste imbécile », dites : « Je suis fatigué de lire des articles trop longs, j’ai besoin de me changer les idées !  »