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Débat « Quels changements sociaux, politiques et économiques face au réchauffement climatique ?"

Publié par MAN Nancy, le 27 septembre 2022.





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Les échanges sur la façon dont chacun.e a vécu l’été ont permis d’ouvrir le débat sur des constats très concrets. La sècheresse fut vécue différemment en fonction de l’habitat, des activités et du mode de vie. Les ressentis se partageaient en un sentiment de prise de conscience positive et une sentiment de forte inquiétude.

Les parents ont concrètement constaté le développement d’une éco-anxiété de la part des enfants, pouvant entraîner une colère mobilisatrice, ou une intégration fataliste de l’hypothèse d’un effondrement (voir les thèses développées par Pablo Servigne 1 ).

Un espoir mesuré a été exprimé devant la prise de conscience que les évènements ont générée et la solidarité qui s’est manifestée. Dans les cités, où le soleil est plus ’’méchant’’ qu’ailleurs, des attitudes spontanées de bon sens ont amené des habitant.e.s à se rapprocher de la nature et à contester les choix architecturaux. Les incendies dans le sud-ouest ont montré une entraide dans les populations, tout comme l’aberration d’une ’’malforestation’’ au profit d’essences jugées plus rentables.

Mais cet espoir est considéré comme fragile face aux attitudes de déni ou de fatalisme. Ainsi que face à l’inertie des décisions. Malgré un affichage gouvernemental (on invite le climatologue Christophe Cassou à l’Assemblée Nationale et l’on propose une formation express aux enjeux climatiques et de biodiversité pour les députés fraîchement élus), les mesures ne sont pas à la hauteur de l’enjeu2.

Les activités économiques sont loin de prioriser la dimension environnementale. À tel point, par exemple, que les expériences « Territoires zéro chômeurs » - qui ne doivent pas faire de concurrence au secteur privé – ne manquent pas d’activités en proposant celles qui agissent sur l’environnement, considérées comme ’’non rentables’’ par les entreprises à but lucratif.

À partir de ces expressions, trois témoignages justifiant de prendre la question environnementale de façon plus radicale et moins technocratique ont été partagés.

Le premier concerne le collectif « Pour un réveil écologique »3 fondé en 2018 avec un manifeste signé par 33 000 étudiant.e.s issus de 400 établissements de l’enseignement supérieur. Ils affirment ne pas vouloir travailler pour des organisations qui ne mettent pas au cœur de leur stratégie les enjeux environnementaux. Ils fournissent également des outils aux jeunes actifs installés au sein d’une entreprise pour qu’ils puissent agir de l’intérieur. Ils revendiquent une bifurcation écologique pour sortir du productivisme et posent la question d’un Revenu Universel permettant le choix d’un engagement ou d’un travail, non pour l’argent mais pour agir dans le sens de l’intérêt général.

Le deuxième témoignage concerne des scientifiques et des chercheur.se.s à qui l’on demande des rapports pour le GIEC et le Haut Conseil pour le Climat. Ils décident de sortir de la neutralité politique qui leur est demandée et s’engagent pour une transformation radicale avec des actions de désobéissance civile. « On ne peut plus juste rédiger des rapports scientifiques alarmants et dire ensuite : votez pour qui vous voulez ! »4.

Le dernier témoignage évoqué pose clairement la question sociale soulevée par les participant.e.s au débat. Il s’agit de l’analyse faite par la sociologue Sophie Dubuisson- Quellier, membre du Haut Conseil pour le Climat. Elle constate que l’une des leçons de la crise écologique actuelle est que le modèle technocratique n’a pas tenu ses promesses. Cela parce que ce modèle néglige les conditions sociales, ou s’ils les prennent en compte c’est en bout de chaîne (quand tout est bouclé, on se pose la question de ’’l’acceptabilité sociale’’)5.

Il faudrait au contraire ouvrir a priori le débat public sur les conditions sociales du changement, revoir le fonctionnement des Institutions et le contrat social : donc faire de la politique. En examinant des propositions qui traitent le risque environnemental en tant que risque social, avec les mesures de prévention et de solidarité normalement prises pour ce type de risque. Les propositions d’une ’’Sécurité Sociale Écologique’’ (voir le dernier débat du MAN) sont dans cette logique.

L’exposé de ces témoignages a permis de relancer le débat sur des pistes de solutions. Concernant l’information, l’exemple d’une charte de journalistes pour traiter correctement les sujets environnementaux est une piste intéressante. L’influence néfaste de la publicité sur les comportements doit être prise en compte pour rétablir une dose de bon sens. La portée des comportements individuels ne doit pas être négligée. Ils peuvent avoir valeur d’exemple et peuvent, s’ils se multiplient, plaider pour des mesures collectives nécessaires.

Si la crise de l’énergie a permis une prise de conscience sur la nécessité d’une modération de la production et de la consommation, elle a aussi provoqué des réactions contradictoires. Et la discussion a porté sur la récupération de termes comme la sobriété et la décroissance. Il y a effectivement une différence entre une sobriété contrainte (certaines personnes la vivent au quotidien) et une sobriété positivement réalisée dans le cadre d’un changement de mode de vie avec la perspective d’un changement de société. C’est à dire d’une bifurcation et non d’une transition qui préserverait les intérêts productivistes6.

Et pour évoquer ce changement de mode de vie, le terme de suffisance a été proposé, dans le sens de ce qui peut suffire à contenter ses besoins vitaux sans vivre dans l’excès et le superflu. Puisqu’il ne s’agit pas de se priver du nécessaire mais bien de vivre dans une société durable et de partage.

La rencontre-débat a pris fin par un tour de conclusions où s’est manifestée une motivation pour engager davantage de personnes dans ce combat vital pour les nouvelles générations.

Les participant.e.s ont pu terminer la soirée par une consultation de la table de presse et une visite de l’exposition « La non-violence c’est radical », présentée à la MJC Lillebonne du 21 au 30 septembre, dans le cadre de la quinzaine de la Non-violence et de la Paix.

Références :
1 - « Comment tout peut s’effondrer » Pablo Servigne, Seuil 2015
2 - « Nous restons dans le discours de l’inaction » Christophe Cassou, Politis 05/09/2022
3 - « les ’’bifurqueurs’’ qui rêvent de changer le système » Politis, 21-07-2022
4 - « Les scientifiques passent à l’action » Politis, 02/06/2022
5 - « La question écologique est éminemment politique » Sophie Dubuisson-Quellier, Alternatives Économiques, 05/2022
6 - « La sobriété, une aspiration croissante, pas encore un projet de société » Lettre Ademe, 06/21, https://infos.ademe.fr