Mayotte : ne pas rajouter de la violence sociale à la violence des éléments
Regard sur Mayotte, un article suite au passage du cyclone Chido.
Publié le 20 février 2025.

Mayotte, 101ème département français, vient d’être ravagée par le cyclone Chido. Ce drame a attiré l’attention des médias sur la situation particulière de cette partie de la France.
Mayotte, même sans le cyclone, est dans une situation inextricable :
Mayotte est la région la plus dense de France après l’Ile de France, avec un taux de natalité triple de la métropole et une population jeune ; avant le cyclone, 1/3 de la population vivait dans des habitats indignes.
Mayotte manque de nourriture : elle ne produit que 80 % de ses fruits et légumes, et importe quantité de produits agricoles de base.
Mayotte manque d’emploi, avec un taux de chômage de 37 %.
Mayotte manque d’eau, si insuffisante qu’elle est irrégulièrement distribuée, et si une seconde usine de dessalement de l’eau de mer est programmée, par mesure d’économie elle déversera le sel dans le lagon, détruisant gravement l’équilibre écologique.
De plus, si Mayotte est un département, c’est un département aux lois spéciales :
la législation sur les migrants est plus restrictive qu’en métropole
le droit à la nationalité française automatique pour les personnes nées à Mayotte de parents étrangers est remis en cause
Darmanin et Macron ont prétendu régler les problèmes en détruisant les bidonvilles, ce qui n’a eu qu’un effet : paupériser plus encore des populations.
au moment du cyclone, de nombreux clandestins ont eu peur de s’abriter dans des lieux susceptibles d’être un piège policier !
Alors, Mayotte manque d’espoir : la misère et l’instabilité sont génératrices de violence.
Une nouvelle politique vis-à-vis de l’outre-mer est nécessaire, politique de justice et de solidarité.
Un regard plus large
En refusant d’analyser les résultats du référendum d’indépendance de 1974 de manière globale pour les 4 iles des Comores, la France a, sous la pression de députés nostalgiques de la période coloniale, refusé de respecter le droit international.Elle a, en 1976, utilisé son droit de veto (au mépris de l’article 27 article 3 de la Charte de l’ONU, au Conseil de Sécurité, pour éviter d’être condamnée pour cette décision. Nous devons donc aujourd’hui assumer les conséquences de cette décision et assumer nos responsabilités dans cette partie du monde, et pas seulement à Mayotte.
Une politique de solidarité vis-à-vis du dérèglement climatique est nécessaire, partout. Car Mayotte a été victime du cyclone, mais aussi du changement climatique : le cyclone s’est renforcé en raison du réchauffement de l’Océan Indien, lui-même lié aux émissions démentes de CO2 du dernier siècle.
Point positif, l’élan de solidarité nationale pour les habitants de ce 101ème département français révèle à nouveau notre force lorsque nous sommes confrontés au pire : secours sanitaire, logistique énergétique et alimentaire, prévention du risque épidémique… Mais Mayotte nous renvoie "une vision de fin du Monde".
Cet air de fin du monde, en ces derniers jours de 2024, nous dit notre vulnérabilité à la croisée de la pauvreté structurelle et du dérèglement climatique. Les personnes qui ont été victimes du cyclone, ont souffert des conséquences du réchauffement climatique mais plus encore de leurs conditions d’habitat précaire. Ce qui s’est passé à Mayotte est un appel à agir contre le réchauffement climatique mais aussi contre la misère. Le constat est clair : réduire nos émissions de Gaz à Effet de Serre (GES) ne suffit plus, nous devons entrer dans une nouvelle bataille, celle de « l’adaptation » au changement climatique.
L’afflux des migrants des pays voisins , et tout d’abord des autres îles des Comores, ne peut être réduit que en donnant aux populations de ces pays un espoir de vie meilleure. L’avenir de Mayotte ne peut être dissocié de l’avenir de cette partie du monde comme l’avenir de la France en général ne peut être dissocié de l’avenir des autres pays de notre commune planète.
Le MAN appelle à lutter contre les inégalités mondiales, contre le réchauffement climatique et pour la préparation de nos sociétés aux conséquences du réchauffement climatique.La lutte contre la violence ne peut se faire qu’à ce prix.
Hélène Bourdel, porte-parole du Mouvement pour une Alternative Non-violente ; février 2025