Mouvement pour une Alternative Non-violente

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Rebondir après le 16 juin : un véritable respect de l’ensemble des formes de lutte

Publié le 21 juin 2018.





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La manifestation du 16 juin était annoncée « rassemblement symbolique" avec l’invitation de "venir avec les enfants, les amis, pour recharger les batteries et marquer sa solidarité"... Les objectifs de ce rassemblement étaient donc clairement de "gagner la bataille des idées", contre Cigéo. Le MAN Nancy a relayé cette invitation à tout son réseau, a rassuré les hésitants, a multiplié les dialogues avec tous ceux et celles qui étaient réticent (-e-)s à se mobiliser pour cette journée. Le MAN a, malgré la distance, mobilisé des militant-e-s pour participer aux réunions d’organisation et s’est engagé dans l’action en œuvrant pour qu’il n’y ait pas de débordements violents le 16 juin.

Seulement il y a eu les blacks blocs et ce n’est pas le fruit du hasard... C’était très bien organisé avec des habits noirs et du matériel entreposé dans des chars qui participaient au défilé. Cette organisation n’a été possible que parce que des négociations ont fragilisé la base de l’appel : le terme de non-violence a été retiré de l’appel en insistant sur la diversité, des actions comme le "die in" géant ont été d’abord approuvées puis retirées, enfin la proposition de service d’ordre interne à la manif a été refusée.

L’image de la lutte est ternie de nouveau. Le message d’unité dans l’opposition à CIGEO et le respect de l’ensemble des formes de lutte, dont la non-violence, a été mis à mal. Il est facile pour le gouvernement et les médias de mettre en avant les dégradations commises pour justifier la répression et éviter de parler du problème du stockage des déchets nucléaires. Un malaise existe chez beaucoup des personnes présentes. Elles ont le sentiment de s’être fait trahir, parce qu’elles sont venues sur les bases de l’appel tout simplement. Il est clair, au vu de ce qui s’est passé samedi, que le but de ces négociations étaient uniquement de permettre à tou-te-s, violent-e-s compris, de choisir leur mode d’action ce jour-là. Ainsi, la centaine de personnes mettant en œuvre des stratégies intégrant la violence a pu circuler tranquillement parmi nous et a pu agir comme bon leur semblait en présence d’enfants, de familles et aussi de personnes à mobilité réduite.

L’objectif de cette journée était aussi de convaincre et d’attirer la sympathie de la population de Bar-le-Duc. Que dire des particuliers qui nous soutenaient le pouce levé à leur fenêtre et qui ont eu leur façade taguée ? Que dire des commerçants avec lesquels nous avons pu discuter qui rejoignaient nos arguments et commençaient à évoluer dans leur réflexion et qui ne savent plus comment appréhender la lutte à la suite de ces évènements ?

Le MAN Nancy veut dire clairement le ressenti de nos militant-e-s et de tous ceux et celles qui sont venu-e-s à cette journée sur la base d’un appel convivial et festif. Nous avons été blessé.e.s par ce qui s’est passé. L’immense majorité des participant-e-s a eu l’impression d’être prise en otage par une petite centaine de personnes usant de violence. Sûrement pensaient-elles être plus efficaces en se masquant, en taguant et en cassant des vitrines... Elles ont par contre créé la peur et l’incompréhension à l’intérieur du cortège. C’est certain, les black blocs s’étaient juste trompés de manifestation ou alors ils veulent empêcher l’organisation de rassemblements festifs et symboliques... Nous partageons sans peine la tristesse et la déception des militant-e-s qui ont investi beaucoup d’énergie pour construire cette journée.

Dans cette mobilisation contre Cigéo il est fait sans cesse référence à la complémentarité des formes de lutte comme étant un élément indiscutable. Cette complémentarité affichée pour ce jour de mobilisation ("il est indispensable de nous montrer unis dans notre diversité") veut dire qu’on affirme le respect de toutes les formes de lutte. Il serait donc par voie de conséquence indispensable de respecter la non-violence quand un consensus d’action est validé collectivement dans les réunions de préparation.

Le 16 juin aurait pu être une belle réussite de rassemblement non-violent, festif et permettant la participation de tou-te.s. C’était bien parti, avec de magnifiques hiboux et des cantines autogérées le midi, des stands divers et des débats intéressants, la forêt de branches tenue par les manifestant-e-s partant tranquillement au son de la batucada, des musiciens, la chorale des Sans noms, la compagnie Jolie môme. Pourtant il y avait déjà eu des signes inquiétants le matin comme le stand d’Enercoop qui se fait virer par des personnes qui sont "contre" cette coopérative de production d’énergie verte...Nous avons remis en place ce stand qui avait toute sa place dans l’opposition au nucléaire et au système capitaliste.

Les gens sont venus le 16 juin pour retrouver de l’énergie militante, pour retisser des liens militants, pas pour se faire gazer, pas pour se faire agresser par d’autres manifestants : une militante du MAN s’est fait invectiver le matin : "C’est la violence la force. C’est vous les fouteurs de merde, pas nous. Vos bouquins donnent envie de vomir" "Vous êtes des connards, vous les non-violents, vous nous empêchez de faire ce qu’on veut". Se mobiliser en ce moment est difficile et ce qui est grave c’est que les dégradations commises le 16 juin fragilisent la fraternité militante qui nous unit tous...
Dans les bus de retour vers Nancy, les militant-e-s les plus aguerri-e-s, comme les plus nouveaux-elles étaient écœuré-e-s, tout simplement, avec l’impression d’avoir été pris-es en otages par 100 casseurs-ses qui avaient juste envie de se défouler. Tou-te-s désapprouvaient ce qui s’était passé même si certain-e-s essayaient de comprendre. Au lieu de mobiliser les énergies contre Cigéo, le 16 juin peut les avoir affaiblies durablement. L’une des participante s’est exprimée ainsi : Je suis " Écœurée, triste, déçue, parce que j’étais confiante, dans cette ambiance au départ sympa, militante et pleine d’espoirs. Elle s’est transformée en ambiance pesante et difficile à certains moments."

Le MAN ne veut pas créer une polarisation conflictuelle "violent-e-s" contre "non violent-e-s" qui s’invectiveraient mutuellement. Toutefois, nous souhaitons qu’à l’avenir, des rassemblements 100% non-violents puissent être organisés, en respect de l’ensemble des formes de lutte, et surtout qu’une forme ne s’impose pas à une autre. Cela implique que l’on puisse se donner les moyens de diffuser des consignes claires en amont et les moyens de les faire respecter. Ceux-celles qui ne se retrouveraient pas dans ces consignes ne sont pas obligées de se déplacer si elles ne leur conviennent pas. Maintenir les conditions qui offrent un réel choix aux participant-e-s est une nécessité pour ne plus exclure ni blesser qui que ce soit.

C’est seulement à ces conditions que nous pourrons collectivement tenter de réparer, si c’est encore possible les dégâts militants, bien plus ancrés que les dégâts matériels opérés le 16 juin.

La lutte continue contre le nucléaire, ses déchets et leur stockage en grande profondeur, bien sûr. Pour nous le prochain rendez-vous local de convergence des luttes sans violence c’est le 4 août avec la convergence du tour Alternatiba et de l’Altertour à Bure.

Les adhérent-e-s du MAN Nancy