Mouvement pour une Alternative Non-violente

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Mouvement pour une Alternative Non-violente

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Lettre ouverte au nouveau gouvernement

Le MAN demande des avancées sur les thématiques portées par le mouvement.

Publié par Serge PERRIN, le 31 août 2012.





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Lettre ouverte à François HOLLANDE, président de la République,
et à Jean-Marc AYRAULT, premier ministre.

Le MAN promeut la non-violence et son apport spécifique dans la vie quotidienne, dans l’éducation et dans les luttes sociales et politiques. Par la réflexion, la formation et l’action non-violente, le MAN cherche à promouvoir une société de justice et de liberté. Né en 1974, le MAN est une fédération de groupes présents dans de nombreuses villes. Plusieurs groupes locaux ont créé des organismes de formation agréés, les IFMAN (Instituts de Recherche et de Formation du MAN).

Extrait du Manifeste pour une Alternative Non-violente, notre texte de référence :
« La violence prend de multiples formes : non satisfaction des besoins fondamentaux ; précarisation ; violences au sein des familles, de l’école, des quartiers, des entreprises ; guerres, violences économiques, atteintes à l’environnement… La violence ne saurait être toujours mise sur le compte de l’intention de nuire ou des pulsions. Elle est souvent utilisée pour remplir des fonctions nécessaires à la société, qu’il s’agisse de défendre la liberté ou de combattre pour la justice.
Nous refusons la fatalité des violences qui semble peser sur l’Histoire. Mais au-delà du rejet de cette violence, nous voulons développer une culture de non-violence, respectueuse de chacun des humains et de leur environnement. Cette volonté nous engage dans la dynamique et la pratique de la non-violence. La non-violence nous amène à promouvoir une organisation sociale et politique ‘ à visage humain’ fondée sur une démocratie plus participative, la redécouverte d’un sens communautaire, l’autogestion des espaces collectifs, la responsabilité écologique et la solidarité internationale. »

La vie sociale et politique

Justice sociale et économie
Les membres du MAN sont persuadés que la non-violence éthique et politique est la meilleure voie vers une société démocratique, juste et solidaire. Nous souhaitons que chacun puisse trouver sa place dans notre société, s’y épanouir, y être utile et reconnu. Il ne peut y avoir de paix sans justice sociale. L’économique a envahi une trop grande part de l’espace social au détriment de l’humain et de la construction d’un espace politique démocratique. Il ne s’agit pas tant de gérer une crise que d’inventer de nouveaux modes d’être ensemble et de redéfinir nos priorités. De grands chantiers sont à ouvrir :
 La limitation des écarts de richesse entre les membres d’une communauté politique est un élément clé d’une justice et d’une entente sociale. La justice fiscale est l’un des premiers chantiers à ouvrir.
 L’économie sociale et solidaire, porteuse d’une vision de l’économie au service des besoins humains, doit être développée.
 L’apprentissage du dialogue social direct et de la négociation non-violente dans les entreprises, portant sur la finalité et l’organisation du travail tout autant que sur les revendications salariales, doit être promu.

Le MAN lutte contre l’invasion publicitaire et ses méfaits. La publicité omniprésente constitue une agression permanente dans l’espace public, occultant les conséquences sanitaires (produits mauvais pour la santé, obésité, anorexie...) et se moquant du principe de précaution. La publicité incite à la surconsommation, au gaspillage et à la pollution, entretient la convoitise et la frustration. Elle est source de surendettement, de délinquance, de violence pour les plus démunis, elle entretient des modèles corporels qui engendrent le sentiment d’être rejeté chez les personnes handicapées, malades ou âgées. Son emprise sur les sens met à mal les efforts éducatifs. C’est pourquoi le MAN demande que :
 soit gardée l’interdiction de toute publicité télévisuelle après 20h sur le service public ;
 soit votée une loi interdisant toute publicité destinée aux enfants sur toutes les chaînes de télévision, comme cela existe déjà en Suède ;
 soit totalement reconsidéré le "décret affichage" paru au J.O. du 31 janvier 2012 qui ne fait qu’autoriser encore un peu plus l’invasion publicitaire dans l’espace public ; cette démarche d’utilité publique ne pourra se faire qu’avec la concertation des associations de consommateurs et de défense de l’environnement.

Démocratie et participation
La justice sociale, et le sentiment qu’elle peut exister, sont indissociables d’une société démocratique. Chaque citoyen-ne doit avoir la possibilité de participer aux décisions, par le biais d’une démocratie plus participative, et par une meilleure écoute de la part de son député sur son territoire. L’Assemblée nationale et le Sénat doivent être, avant tout vote, de véritables lieux de débats et de propositions.
La vie associative doit être soutenue :
 La différence entre les associations citoyennes et les "entreprises associatives" doit être clarifiée, pour que l’administration ne considère plus les associations citoyennes comme des entreprises commerciales (impôts, gestion des salariés…),
 L’information entre citoyens doit être facilitée (tarif spécifique et routage des journaux associatifs),
 Le crédit d’impôt pour don devrait concerner toutes les associations d’utilité citoyenne.
Les campagnes de désobéissance civile sont des actions non-violentes qui participent au fonctionnement d’une démocratie citoyenne, en pesant sur les rapports de force pour faire évoluer les lois.

Écologie
Les lieux de décision politique doivent être protégés de l’inacceptable influence des lobbies qui viennent court-circuiter le fonctionnement démocratique, notamment ceux des entreprises de l’agroalimentaire, de la biotechnologie, du transport routier, des laboratoires pharmaceutiques et de l’industrie du nucléaire.
 Des mesures politiques doivent privilégier le commerce des produits locaux et sanctionner les kilomètres parcourus par un produit arrivant sur le marché, afin de résolument diminuer les impacts climatiques liés au transport de marchandises.
 Le gouvernement doit agir pour une renégociation des règles de la Politique Agricole Commune (PAC) afin que celle-ci encourage le développement de l’agriculture paysanne et biologique.
 Doit être mise en œuvre une transition énergétique qui allie efficacité énergétique, sobriété énergétique, développement des énergies renouvelables et sortie du nucléaire. De nombreux exemples et études montrent qu’une telle politique est fortement porteuse d’emploi. Notre pays doit débattre de ses choix énergétiques.

Notre mouvement est favorable à une sortie programmée et accompagnée de l’énergie nucléaire, telle que l’envisage le scénario Négawatt 2011. Non seulement cette énergie ne nous garantit pas notre indépendance énergétique, mais elle constitue un danger potentiel comme ont pu le montrer les différents incidents survenus en France sur des installations nucléaires. Elle constitue aussi un risque pour notre sécurité au regard de la menace terroriste présente ou à venir. Enfin, elle est depuis son origine un déni de démocratie que nous ne pouvons passer sous silence.

Droits sociaux, économiques et humains
La prévention de la violence sociale passe par la sécurité physique des personnes et par le droit à un emploi, à un logement, à l’éducation, à la santé… qui doivent être garantis sur l’ensemble des territoires de façon égale. Cela suppose :
 une mixité sociale dans tous les quartiers afin d’éviter les phénomènes de relégation : dispersion dans l’espace urbain des logements sociaux prévus par la loi ; bonne qualité des bâtis pour assurer un confort de vie décent et réduire les charges, notamment la facture énergétique ; présence de tous les services publics, bonne distribution des transports en commun.
 la valorisation des richesses de la diversité, par l’éducation, l’accessibilité à la culture française et aux cultures du monde et la reconnaissance des cultures des différentes couches sociales.
 des services publics qui garantissent à tous les droits de base : éducation, eau, santé, transport, information...
 le respect des libertés individuelles : la commission Informatique et Libertés, dans son rapport de 2006, met en garde contre une société de surveillance qui menace la protection des données et des libertés. Il nous semble important de dénoncer toute incivilité policière (contrôle au faciès, tutoiement) afin de renouer une relation plus apaisée avec les forces de police.

Défense et politique internationale

Désarmement nucléaire
Les pays dotés de l’arme nucléaire, en particulier ceux qui ont ratifié le Traité de Non Prolifération, poursuivent une politique immorale et coûteuse de modernisation de leurs armes nucléaires et de leurs vecteurs. Cette prolifération verticale, le plus souvent inavouée ou niée, favorise la prolifération horizontale... que ces mêmes pays dénoncent, non sans hypocrisie.

C’est pourquoi le MAN (soutenu par l’appel signé de 46 personnalités d’obédiences diverses) s’est engagé à débattre et combattre pour le désarmement nucléaire unilatéral de la France, c’est-à-dire non conditionné à la signature d’accords multilatéraux que nous appelons par ailleurs de nos vœux. Notre pays est en effet, avec la Grande Bretagne, celui qui aujourd’hui peut ouvrir la voie du désarmement nucléaire sans que cela ne nuise en aucune façon à sa sécurité.
Conscients que cet objectif nécessite une information préalable de nos concitoyen-ne-s et une évolution considérable de nos gouvernants, nous demandons, dans l’immédiat, que le budget de la Défense soit désormais présenté de façon détaillée, de sorte que les sommes consacrées à la dissuasion nucléaire y apparaissent de façon plus transparente.
Nous demandons aussi que, dans le cadre de l’écriture du Livre Blanc sur la Défense et la Sécurité de notre pays qui doit avoir lieu cet automne, des mouvements tels que le nôtre y soient associés. Nous rappelons qu’en 1983, le Ministre de la Défense, Monsieur Charles Hernu, avait sollicité trois d’entre nous pour produire un document qui élaborait les grandes lignes d’une défense civile non-violente. Depuis, notre mouvement a poursuivi sa réflexion en développant le concept d’Intervention Civile de Paix et en participant, dans le cadre de la décennie 2001-2010 promue par l’ONU, à des initiatives de développement d’une éducation à la non-violence et à la paix.

Paix, droits humains, développement, et coopération internationale
Les conflits armés, sources de revenus pour des économies parallèles et pour l’industrie de l’armement, sont des drames humains pour les civils. Ils sont un handicap pour un développement équilibré des économies du Nord comme du Sud. Les conflits militaires aboutissent à une déstabilisation sociale, écologique et économique.

Le MAN porte le projet d’Intervention Civile de Paix (ICP). Il s’agit d’une intervention non armée, sur le terrain d’un conflit local. Elle consiste à mettre en œuvre des missions mandatées par une organisation intergouvernementale (OSCE, ONU), gouvernementale, ou non gouvernementale. Ce sont des missions d’observation, d’information, d’interposition, de médiation, de coopération et de formation adaptées à la situation, dont le but est de réduire la violence et de créer les conditions d’une solution politique du conflit. L’ICP vise à renforcer et à s’appuyer sur la société civile des zones sous tension. Prévention des crises, protection des droits humains, accompagnement de personnes menacées, reconstruction du dialogue... depuis plus de 20 ans, ces missions d’intervention non armées sont expérimentées en Colombie, au Mexique, en Indonésie, au Kosovo, au Guatemala, au Sri Lanka et en ce moment au Sud Soudan.
Le Comité Français pour l’Intervention Civile de Paix a été créé en 1996 à l’initiative d’organisations non gouvernementales, de mouvements de la société civile et d’associations de chercheurs engagés pour la solidarité internationale et la résolution non-violente des conflits. Son objectif à terme est de doter les programmes de prévention des crises et de reconstruction de la paix d’un personnel qualifié ; de disposer de moyens opérationnels d’intervention auprès des sociétés civiles menacées quand l’option militaire n’est ni adaptée ni envisageable ; d’investir dans la formation d’équipes de volontaires civils « réservistes ». Les partenaires de l’Intervention Civile de Paix demandent notamment au gouvernement français que la formation de ces volontaires bénéficie d’un financement public.
Nous demandons la prise en compte de ces formes d’intervention pro active et post conflit dans la politique globale de sécurité de la France et de l’Europe.

Israël-Palestine
Dans cette région du monde les conflits génèrent des souffrances insupportables, et des tensions jusque dans nos quartiers de banlieue. Il est temps que la constitution préconisée par la communauté internationale d’un État indépendant palestinien voie le jour. Le retard dans sa mise en œuvre favorise extrémismes et intégrismes de chaque camp. Nous souhaitons la sécurité pour les deux peuples, palestinien et israélien, et la fin de la politique de colonisation d’Israël et de l’occupation des Territoires palestiniens. Le MAN apporte son soutien aux organisations israéliennes et palestiniennes qui agissent avec des moyens non-violents pour une solution juste et durable de ce conflit et pour le respect du droit international.

Le MAN souhaite le déploiement d’une force d’intervention civile dans les territoires occupés afin d’apaiser les tensions et permettre une solution politique au conflit territorial. Cette intervention ne pourra se faire sans l’accord de l’autorité israélienne, et donc sous la pression diplomatique internationale.
Nous souhaitons que le gouvernement français joue un rôle actif pour le respect par les deux parties des résolutions de l’ONU et des conventions internationales.
Nous demandons la fin des poursuites juridiques et de la répression contre les militants qui demandent l’application du droit international par la campagne d’action BDS : Boycott, Désinvestissement, Sanctions.
Nous souhaitons que l’accord d’association U.E. – Israël soit suspendu à la reconnaissance par l’État d’Israël des frontières de 1967 et à l’application des droits de l’homme dans les Territoires Occupés (demande du parlement européen).
Dans l’immédiat, nous demandons que soit assurée la traçabilité des produits des colonies entrant en France, un renforcement du contrôle des ventes d’armes et plus de transparence dans la coopération militaire entre la France et Israël.

Éducation à la non-violence et formation à la résolution positive des conflits

La non-violence s’apprend
Notre mouvement souhaite voir se développer :
une éducation non-violente conjuguant empathie et apprentissage des responsabilités, qui promeut l’obéissance critique aux autorités légitimes et non la soumission aux ordres arbitraires, qui apprend à résister aux manipulations et développe des compétences sociales qui contribuent à la culture de non-violence ;
une pédagogie active et coopérative où animateurs et participants mutualisent ce qu’ils savent déjà faire et exercent ensemble leur créativité pour faire face à des problèmes nouveaux, pour que chacun puisse réinvestir ce que lui enseigne la non-violence dans son milieu familial, son voisinage, ses engagements associatifs ou professionnels ;
des formations à la régulation non-violente des conflits qui réhabilitent le conflit comme opportunité de progrès, les fonctionnements démocratiques et les relations de qualité concourant à l’amélioration du « vivre ensemble » ;
des formations aux différentes formes d’action non-violente, dont la désobéissance civile, en insistant sur l’importance du programme constructif ;
des formations à l’intervention civile de paix faisant une place importante à l’analyse des situations géopolitiques, à la médiation et à la régulation des émotions.

Éducation nationale
Au sein de l’Éducation nationale, il y a consensus pour dire que les indicateurs sont au rouge : violences de toutes sortes (dont harcèlement, racket…), échec scolaire, illettrisme, décrochage, absentéisme, souffrance au travail et même risque de burn-out pour de nombreux enseignants … il y a donc urgence à mettre en œuvre un faisceau de mesures :
 Concernant les activités d’apprentissage : favoriser des projets qui articulent développement de l’autonomie, solidarité et prise en compte de réalités concrètes pour que le fait d’apprendre retrouve du sens pour les élèves ; permettre la découverte de l’autre et de sa culture (genres, origines ethniques et géographiques, situations particulières…) ; s’exercer à la coopération pour en montrer l’efficacité devant un problème commun à résoudre ; développer l’entraide mutuelle dans les apprentissages : (intelligemment guidée par l’enseignant, celle-ci profite autant à celui qui est aidé qu’à celui qui approfondit ses savoir-faire en les expliquant) ; associer l’élève à l’évaluation de ses progrès pour renforcer l’estime de soi.
 Concernant l’organisation de la parole des élèves : aménager des temps pour réguler les inévitables conflits ; former à la médiation et à l’exercice de la citoyenneté au sein de l’établissement scolaire ; s’exercer (adultes et élèves) à communiquer de façon non-violente et développer l’empathie.
 Concernant l’autorité : co-élaborer des règles avec les élèves dans le cadre des limites non-négociables assumées par les adultes et choisir des sanctions réparatrices et constructives où chacun exerce ses responsabilités.

Une formation de qualité des adultes est la clé de voûte de ces perspectives. Différents mouvements, dont le MAN et ses Instituts de recherche et de formation (IFMAN), travaillent depuis longtemps sur les questions de violence en milieu scolaire et proposent des pédagogies participatives. Ils pourraient contribuer à la formation de formateurs de ces adultes.
Une politique éducative se décline en instructions officielles et en moyens humains et financiers. L’inscription de l’éducation à la non-violence et à la paix dans la loi d’orientation et dans les programmes serait un pas important pour la prévention des violences dans les établissements scolaires. C’est le sens du projet de loi déposé par le Sénateur Jean-Pierre Sueur, proposition que nous soutenons.

La précarité des conditions de vie de nombreux élèves est un facteur d’échec scolaire et de violence. La prévention passe par une plus grande justice sociale qui permette à tous d’accéder à l’éducation.

Nous espérons que votre gouvernement pourra prendre en compte nos propositions. Vous pouvez compter sur notre engagement et notre soutien pour leur mise en œuvre dans ce vaste champ où la violence doit être combattue sous ses différentes formes.

Pour le MAN,
Yvette BAILLY - Jean-Marie MULLER
Porte parole

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